Vichy, commune inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, est souvent perçue comme le joyau du thermalisme, du bien-être et du luxe. Cependant, derrière cette image idyllique se cache une réalité économique complexe, entre la tradition thermale et une industrie en mutation.
Mais qui parle de l’industrie ? Dessin de Valentin Martinot. 2023
« On a plein de secteurs qui permettent de faire connaître cette ville », affirme Christophe Vernizeau, Chargé de communication de Vichy Économie. Le tourisme, autrefois pilier économique de Vichy, a subi une transformation significative, laissant place à une nouvelle ère dans laquelle le thermalisme cède du terrain au développement d’autres secteurs. Le parc hôtelier, initialement conçu pour les cures thermales, a subi une réduction notable, passant de 39 hôtels en 2013 à seulement 29 en 2023. Cette évolution s’explique par le déclin des cures remboursées, incitant les établissements à diversifier leur offre vers le tourisme axé sur la santé, le bien-être et le sport.
Le tourisme sportif a pris son essor, avec des infrastructures telles que l’hippodrome, les golfs, le stade aquatique, ainsi que le Creps (Centre de ressources d’expertise et de performance sportive) de Vichy. De façon plus globale, au-delà de l’image de carte postale associée aux pastilles, aux courses hippiques et aux cures thermales, la ville est devenue le foyer d’une économie diversifiée.
Entre tradition thermale et réalité industrielle
L’image traditionnelle de Vichy ne doit pas occulter une réalité industrielle en mutation. Malgré les fermetures d’entreprises emblématiques comme Giat Manurhin (entreprise d’armement) et Sediver (entreprise de Commerce de gros) dans les années 2000, le secteur industriel représente toujours une grande partie des emplois locaux. Le bassin d’emploi de Vichy se distingue par sa diversité économique, comptant ainsi plus de 7 400 emplois dans l’industrie et 4 000 dans les services, témoignant d’une tradition industrielle bien ancrée.
Malgré cette richesse économique, Vichy continue malgré tout de subir des clichés persistants. Des entreprises renommées telles que L’Oréal, ancrées dans la chimie et l’industrie, ont été parfois mal représentées en raison d’une communication axée sur l’image « cosmétique ». « L’Oréal, on en donne une image cosmétique alors que c’est de l’industrie », souligne Jean-François Liabœuf, directeur du développement économique et de l’insertion par l’économie.
Zone industrielle des Ancises à Creuzier-le-Neuf, deuxième bassin d’emploi d’Auvergne. Creuzier-le-Neuf, le 19 décembre 2023. Photo : Coline Lafargue.
En dépit de cette réalité, et en raison d’une communication externe a minima, l’idée erronée que Vichy n’est qu’une ville thermale caractérisée par des emplois saisonniers persiste toujours. Ceci a pour effet d’influencer la formation vers des métiers liés à l’accompagnement des curistes dans le secteur de la santé, de la beauté et de la forme. Cette orientation est considérée comme « une erreur » par Jean-François Liabœuf, notamment face aux besoins et aux opportunités dans le domaine industriel.
Vichy, ou le pluralisme sectoriel
Depuis 2018, l’agglomération de Vichy est inscrite dans la dynamique du dispositif « Territoire d’Industrie », illustrant ainsi son engagement en faveur de la politique industrielle française. Cette labellisation renforce la position de Vichy dans la reconquête industrielle, soulignant son rôle clé dans le développement territorial et la promotion de l’industrie locale.
Le tissu industriel de l’agglomération de Vichy comptabilise plus de 400 établissements dans des secteurs différents, ce qui constitue un atout économique majeur. La variété des secteurs industriels présente un intérêt particulier en termes de stabilité économique, permettant d’éviter des coûts significatifs et de pallier d’éventuels accidents. En effet, Christophe Vernizeau estime que « si demain un de ces secteurs venait à s’effondrer, on aurait une stabilité avec l’ossature des autres secteurs ».
Cependant, la multitude de ces secteurs d’industrie rend difficile la mise en place de formations adaptées. « On ne peut pas créer de filière complète pour chaque formation, c’est impossible. On ne peut pas tout avoir », souligne Jean-François Liabœuf.
Source : Vichy Economie (2023). Image : Valentin Martinot.
Les enjeux d’une valorisation de la main d’œuvre
Même si Christophe Vernizeau affirme que le rôle de Vichy Économie « est de mettre en avant l’industrie et le rôle des entreprises », de nombreux défis demeurent. Notamment le besoin de valoriser la main-d’œuvre ouvrière, qui constitue la base de cette industrie. Pour cela, un changement progressif s’opère. Des initiatives sont proposées comme un salon destiné aux collégiens en janvier 2024, visant à orienter les jeunes vers des métiers industriels. L’objectif est de sensibiliser les jeunes à ces carrières avant même qu’ils atteignent l’âge de 18 ans, car pour Jean-François Liabœuf, organisateur du salon, « l’orientation professionnelle commence bien avant la fin du lycée ».
En matière de formation, le bassin d’emploi de Vichy cherche à diversifier les opportunités, notamment en répondant aux besoins en maintenance industrielle, un secteur en tension depuis plusieurs décennies. La création d’une filière de maintenance industrielle au lycée de Presles à Cusset dès la rentrée 2024 est la preuve d’une prise de conscience des besoins réels du marché du travail.
Les efforts pour attirer de nouvelles entreprises se concentrent sur le développement d’un pôle santé-beauté-nutrition, en capitalisant sur des entreprises locales telles que les Laboratoires Vichy et la Compagnie fermière.
Au-delà de son patrimoine thermal et touristique, Vichy aspire à consolider son positionnement en tant que territoire industriel émergent. Les défis inhérents à cette diversification économique et à la valorisation du secteur industriel constituent des enjeux cruciaux pour l’assurance d’une trajectoire économique prospère.
Coline Lafargue
