La filière forêt-bois, futur moteur économique du bassin vichyssois ?

Après de longues années de dépollution du site de Montpertuis, Vichy Communauté tient son nouveau projet de réhabilitation de la dernière grande friche industrielle de l’agglomération. Son ambition : créer une filière bois construction de référence, futur pôle économique majeur, qui suscite déjà l’inquiétude des défenseurs de l’environnement.

Vichy Communauté tient son nouveau projet de réindustrialisation du site de Montpertuis, dernière grande friche industrielle de l’agglomération. Bellerive-sur-Allier, le 18 décembre 2023. Photo : Vichy Communauté

Vichy Communauté tient son nouveau projet de réindustrialisation du site de Montpertuis, dernière grande friche industrielle de l’agglomération. Bellerive-sur-Allier, le 18 décembre 2023. Photo : Vichy Communauté.

« Ce projet, c’est le vaisseau amiral de l’expansion économique raisonnée et raisonnable ». La promesse affichée par Jean-François Liabœuf, directeur du développement économique à Vichy Communauté, est ambitieuse. Et pour cause : l’agglomération désire réindustrialiser le bassin vichyssois à l’horizon 2028. Elle est propriétaire du site de Montpertuis (Bellerive-sur-Allier) et souhaite y implanter un campus dédié à la filière bois, jusqu’à devenir une référence au niveau national. Ce projet stratégique de grande ampleur se dessine enfin, après de longues années consacrées à dépolluer le site occupé par l’entreprise Manurhin Défense jusqu’en 2006. De ce fleuron industriel spécialisé dans la production de munitions, il ne reste plus aujourd’hui qu’une centaine de bâtiments désaffectés, répartis sur plus de 80 hectares.

Le bois construction, une filière d’avenir

Le bois, rien que le bois : tel est le credo des porteurs de projet qui souhaitent investir ce champ d’activité encore sous-exploité. « Le vrai drame en France, c’est qu’on a les arbres, on sait les couper, mais on n’a pas de filière pour transformer le bois construction », déplore Frédéric Aguilera. Un constat qui se vérifie dans les chiffres : 95 % des besoins français en bois de construction sont importés, ce qui représente un déficit de près de 9 milliards d’euros chaque année. « On préfère importer de Chine, ce qui est absurde en termes de bilan carbone, regrette Jean-François Liabœuf. On a la ressource, mais on ne l’exploite pas suffisamment ».

Or, les besoins en bois construction augmentent ces dernières années. « On constate une hausse de la demande liée à une règlementation environnementale plus exigeante, qui impose une certaine proportion de bois dans toute nouvelle construction », précise Jean-Pierre Vernadat, trésorier de Fibois et représentant des professionnels du bois dans le département de l’Allier. Un paramètre qui justifie selon lui le bien-fondé du développement d’une filière bois, avec la garantie de l’agglomération qu’il se réalisera « sans nuire aux acteurs locaux ».

Le projet de filières bois de Montpertuis en quelques chiffres. Infographie : Valentin Martinot

Le projet de filières bois de Montpertuis en quelques chiffres. Infographie : Valentin Martinot.

La promesse de 700 à 1000 emplois créés

Si Vichy Communauté préfère ne pas communiquer sur l’identité des entreprises impliquées dans le projet, elle avance la création d’un millier d’emplois. « Pour atteindre le plein emploi il nous faut entre 1 000 et 1 500 emplois, et avec ce projet on peut en créer entre 700 et 1 000, assure Frédéric Aguilera. Donc c’est une vraie richesse pour parvenir à cet objectif. » Cet argument peine à convaincre les oppositions, notamment les associations environnementales. « Le plein emploi, on l’utilise un peu à tort et à travers », fustige Isabelle Filatov, présidente du collectif Danger Montpertuis. Avant d’ajouter : « On dispose déjà des gisements d’emploi sur le secteur industriel. »

Mais l’agglomération l’assure : « Sans industrie un territoire ne peut pas être dynamique. » Elle mise ainsi sur un site industriel innovant, pour lequel un plan guide est déjà établi : 60 hectares consacrés à l’industrie, 17 hectares au campus mêlant recherche, innovation et formation et enfin 8 hectares dédiés à une zone tampon. Un projet jugé « très ambitieux » par Isabelle Filatov, qui émet des réserves sur sa viabilité : « Ce n’est pas si facile que ça de concurrencer la Chine, car il y a un risque de s’épuiser financièrement. »

Pour aménager ce vaste site industriel, l’agglomération de Vichy s’appuie sur l’élaboration d’un plan guide. Bellerive-sur-Allier, le 18 décembre 2023. Photo : Vichy Communauté

Pour aménager ce vaste site industriel, l’agglomération de Vichy s’appuie sur l’élaboration d’un plan guide. Bellerive-sur-Allier, le 18 décembre 2023. Photo : Vichy Communauté.

La dimension environnementale du projet interroge

À la crédibilité économique du projet viennent s’ajouter des craintes sur ses incidences écologiques. « Un tel projet va faire augmenter la demande en bois, et donc la pression sur les forêts », pointe Isabelle Filatov. Une inquiétude partagée par l’interprofession, qui redoute des difficultés d’approvisionnement. « Le changement climatique agit déjà sur les forêts, et on compte de plus en plus d’arbres dépérissant », constate Jean-François Vernadat, trésorier de Fibois.

De son côté, l’agglomération défend le choix du bois de construction, « qui génère un grand nombre d’externalités positives » : en emmagasinant du CO2, le bois se place en alternative vertueuse au béton. Par ailleurs, Vichy Communauté l’affirme : les entreprises futures devront s’adapter aux espaces naturels du site, et respecter des chartes environnementales. « On fera en sorte que toute coupe d’arbres ou destruction de zone humide soit compensée », avance Jean-François Liabœuf. Une défense qui fait bondir les opposants au projet, pour qui la compensation de zones humides détruites est « une grosse farce ». « Il faut arrêter d’artificialiser sans regarder, sinon on va droit dans le mur ! », alerte Isabelle Filatov. Si cette dernière s’inquiète de l’impact environnemental du projet, elle ne s’y oppose pas catégoriquement, à condition que « seules les zones déjà artificialisées soient industrialisées ». Et ajoute une autre réserve : l’abandon du projet de contournement nord-ouest de Vichy qui doit permettre de desservir le futur site industriel. « Un coût environnemental considérable qui ne vaut pas le coup » selon le collectif Danger Montpertuis, inquiet de la récente déclaration d’utilité publique annoncée par le ministre des Transports.

Une décision qui donne davantage d’épaisseur au projet de filière bois, dont les grandes orientations sont d’ores et déjà définies. Alors que les travaux de désamiantage des bâtiments sont espérés pour fin 2024, Vichy Communauté planifie sa recherche de financements. « L’outil industriel sera porté par des acteurs privés, mais on va solliciter des financements publics auprès de la région, de l’État et même de l’Europe », détaille Frédéric Aguilera, qui exclut toute participation financière de l’agglomération. Avec en ligne de mire l’objectif d’ouvrir les portes du site d’ici 2027 ou 2028.

Clara Gazel

 

 



Categories: Demain Vichy - 2023

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