Agriculture et réchauffement climatique, l’alliance impossible ?

Patrick Masson, 62 ans, exerce le métier de maraîcher à Creuzier-le-Vieux depuis l’âge de 17 ans. Tout au long de sa carrière, il a connu des vents forts, des canicules et des gels. Mais ce n’est rien comparé à ces dernières années. Rencontre avec un passionné de l’agriculture, inquiet pour l’avenir de son métier.

Été 2022. La région de Vichy et ses alentours deviennent les martyrs des orages de grêlons, détruisant les serres et les cultures. Celles de Patrick Masson, maraîcher à Creuzier-le Vieux, ne font pas exception : « C’est un boulot de fou pour tout refaire, au vu des prix pour réparer tout ça, on a fait uniquement l’indispensable », se désole-t-il, les yeux rivés sur les trous laissés dans les bâches blanches.

Des retombées déjà visibles

Représentant de la troisième génération de l’entreprise familiale, Patrick Masson prend déjà conscience des conséquences des changements climatiques sur ses cultures : « Il y a déjà des légumes qu’on ne peut plus produire à cause des trop fortes chaleurs comme le chou-fleur et la carde », constate-t-il en cheminant à travers ses terres fraîchement retournées.

Alors, depuis 4 ans, l’agriculteur s’adapte en créant des systèmes d’ombrage pour éviter que ses légumes ne brûlent dans la serre. « L’avenir de l’agriculture va être compliqué. Il y a deux ans au début du mois de mai il faisait déjà plus de 24 degrés. Même avec la toile d’ombrage, il faisait encore trop chaud. C’était impossible de garder des plants parce qu’ils ne sont pas faits pour supporter des températures pareilles », regrette-t-il.

Patrick Masson, agriculteur, dans ses champs à Creuzier-le-Vieux. Creuzier-le-Vieux, le 9 décembre 2023. Photo : Constance Huilié.

Ce n’est pas tout. En plus de brûler les plants, les chaleurs, plus intenses et durant plus longtemps dans l’année, apportent de nouveaux prédateurs. La « mouche du poireau » est un phénomène bien connu des maraîchers depuis quelques années. Venu des pays de l’est, cet insecte pond ses œufs dans le légume et la larve creuse des sillons dans le blanc du poireau, le rendant ainsi immangeable. « Le traitement pour lutter contre ces envahisseurs n’est jamais totalement efficace, alors j’ai tout simplement arrêté de cultiver des poireaux », explique le sexagénaire.

Près des champs où sont cultivés les légumes, un léger bruit d’eau se fait entendre. Mais plus en été. « Je n’aurais jamais pensé que notre région puisse être touchée un jour par une crise de l’eau. Je n’y croyais pas », insiste l’agriculteur. Mais en 2019, Patrick a bien dû se rendre à l’évidence. Le ruisseau à côté de chez lui, lui permettant une irrigation continue de ses terres, s’est retrouvé à sec. Sans pluie durant tout l’été, une grande partie de ses récoltes a été perdue. Cette situation s’est répétée l’année suivante et revient à présent chaque été.

Un avenir incertain ?

Bien qu’à la fin de sa carrière, Patrick Masson se pose des questions sur l’avenir de sa profession. Des solutions nécessaires à l’adaptation de l’agriculture, le maraîcher en voit. « Il y aurait bien des équipements qui permettraient de faire face aux dérèglements climatiques pour lutter contre la chaleur, les intempéries et la crise de l’eau », songe-t-il. Mais le coût de ces équipements, bien trop élevé, représenterait de fortes inégalités pour les petits producteurs comme lui. « Dans ma région et même plus globalement en France, les jeunes ne veulent plus être producteurs de légumes », s’attriste Patrick.

Alors, pour que l’agriculture subsiste, Patrick Masson ne voit plus qu’une possibilité : la mise en place de communautés d’agriculteurs. En achetant du matériel en commun, les agriculteurs feraient front, ensemble, contre les changements climatiques.

Constance Huilié



Categories: Demain Vichy - 2023

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