Le projet de contournement nord-ouest de Vichy, qui s’inscrit dans un schéma directeur de trois projets routiers, engendre de multiples oppositions au sein de la communauté locale. Malgré des alternatives, aucun accord n’a encore été trouvé. Une situation complexe qui persiste depuis une vingtaine d’années. Enquête…
Embouteillage sur la RD6. Le projet du CNO vise à désengorger cet axe routier, qui est le plus fréquenté du département de l’Allier. Bellerive-sur-Allier, le 18 décembre 2023. Photo: Maxence Landillon.
À Vichy, le projet de contournement nord-ouest (CNO) suscite de nombreux débats depuis plus de 20 ans et oppose élus et riverains. Mercredi 13 décembre, le ministre des transports Clément Beaune a annoncé dans un courrier au sénateur Claude Malhuret et au député Nicolas Ray que ce projet de 80 millions d’euros sera déclaré « d’utilité publique » d’ici la fin de l’année. Un nouveau rebondissement dans un dossier complexe qui s’enlise depuis une vingtaine d’années.
Un maillon manquant
Long de 12 kilomètres et doté d’une voie de circulation par sens, le contournement nord-ouest de Vichy permettra de relier l’A719 au sud, au niveau d’Espinasse-Vozelle, a? la N209 au nord, à Creuzier-le-Neuf. Ce tronçon qui vient en continuité du contournement sud-ouest et de l’A719 est un enjeu majeur pour l’agglomération vichyssoise. En effet, les routes locales et notamment la RD6 à Charmeil subissent une hausse globale de trafic de transit. « Cet axe est fréquenté depuis plusieurs années par une vingtaine de milliers de véhicules chaque jour, dont 1800 poids lourds de transit, ce qui est logiquement insupportable pour nos riverains », déplore Franck Gonzales, maire de Charmeil.
Si la RD6 passant à Charmeil se retrouve autant engorgée, ce qui en fait la route départementale la plus empruntée du département de l’Allier, c’est parce qu’il manque ce contournement nord-ouest. Il est le dernier maillon d’un schéma directeur créé en 2001, visant à améliorer les axes routiers de l’agglomération vichyssoise. Les deux premiers projets ont été finalisés en 2016, avec la création du contournement sud-ouest de Vichy, mais aussi d’un barreau autoroutier arrivant aux portes de Bellerive. Le contournement nord-ouest est donc le maillon manquant de ce schéma directeur pensé en 2001, et sa non-création réduit, empêche et pénalise la bonne utilisation des deux autres projets. « Il y a dans ces trois projets une cohérence et l’enlisement du contournement nord-ouest réduit l’utilité des deux autres. Les poids lourds étrangers n’ont pas d’intérêt à prendre le contournement sud-ouest de Vichy s’ils doivent rentrer dans la ville par la suite, plutôt que de continuer avec le contournement nord-ouest », souligne Elisabeth Cuisset, 1ère vice-présidente de Vichy Communauté, déléguée à l’urbanisme et aux projets d’agglomération.
Une vive opposition autour du projet
Aujourd’hui, si le projet du CNO prend du retard, c’est à cause des nombreux désaccords qu’il suscite. En effet, d’un côté il existe un consensus autour de l’ensemble des élus des communes de Vichy Communauté. Ils sont tous favorables à ce projet, peu importe l’étiquette politique de chacun, puisqu’ils considèrent ensemble qu’il s’agit d’un projet d’utilité publique. Face à eux, de nombreux riverains s’opposent à ce contournement, remettant en cause l’aspect environnemental et l’utilité du CNO. Pour François Sennepin, maire de Bellerive-sur-Allier, le projet est nécessaire pour faciliter la vie quotidienne de tous les citoyens. Il développe notamment deux avantages essentiels à ce plan routier : « Premièrement, le CNO permettra de désengorger le centre-ville. Nul doute qu’il ne réduira pas tout le trafic, mais les poids lourds étrangers ne passeront plus que par le contournement. Ensuite, ce projet permettra également de valoriser celui de Montpertuis, puisque le contournement desservira cette zone industrielle et les poids lourds auront un accès direct vers l’autoroute ». Un argument que vient étayer Elisabeth Cuisset, grâce à une étude d’impact montrant que la création du contournement sud-ouest a permis de désengorger la RD6 de nombreux poids lourds étrangers et rappelle la nécessité de créer le contournement nord-ouest.
A l’inverse, certains riverains s’opposent au projet depuis les débuts. C’est notamment le cas de l’Association des Riverains contre le CNO créée en 2001 et qui lutte contre la construction du contournement. Elle déplore notamment les problèmes environnementaux liés au projet, mais aussi le fait que la création du CNO amènerait simplement à déplacer le problème actuel ailleurs. « Pour nous, le choix de l’itinéraire pose problème, ce projet ne solutionne pas toutes les difficultés actuelles et va en créer ailleurs », argumente Pierrette James, membre de l’association. De nombreuses démarches ont été effectuées : « Nous avons créé des pétitions, rencontré des élus, des préfets, députés et écrit des lettres à chaque ministre des transports depuis plus de 20 ans », ajoute Pierre Cazal, secrétaire de l’association. Des démarches jugées encore trop faibles par le sexagénaire, puisque leur voix ne se fait pas entendre. Pourtant, les résultats de l’enquête publique en début d’année 2023 montrent bien que les opposants au projet ont de l’influence, avec une majorité de « non » face à la construction et la nécessité de ce projet. De plus, le 5 octobre dernier, au rond-point Jean Monnet de Bellerive-sur-Allier, des manifestants pro et anti-contournement se sont retrouvés dans une ambiance électrique ; chacun a pu s’exprimer et faire entendre ses arguments.
Différentes alternatives envisagées
Pour les élus de Vichy Communauté, il n’y a pas forcément de plan B. Elisabeth Cuisset le rappelle : « Le choix de l’itinéraire a été fait et voté en accord et en discussion avec les riverains et c’est à ce moment-là qu’il existait différents itinéraires donc différents plans B. Aujourd’hui, un seul a été retenu et c’est celui qui impacte le moins les riverains et l’environnement ». Pour les opposants au contournement, les alternatives existent déjà avec notamment la RCEA (Route Centre Europe Atlantique), qui permet aux poids lourds étrangers de rejoindre l’autoroute à Montmarault. Une alternative qui cependant ajoute un nouveau détour aux poids lourds.
Le projet de contournement nord-ouest semble donc s’engluer et fait encore débat actuellement. La récente annonce du ministre des Transports ne va pas arranger les choses et risque d’amener de nouvelles oppositions, mais surtout soulève une autre problématique, celle du financement.
Jocelyn Aucouturier
Categories: Demain Vichy - 2023
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